Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Pôle emploi ou la fusion anpe assedic pour les nuls
  • : La vie de pôle emploi ou la fusion racontée par deux agents anpe et assedic.
  • Contact

Profil

  • La fusion pour les nuls
  • Blog interactif dédié aux 50.000 salariés de Pôle emploi
  • Blog interactif dédié aux 50.000 salariés de Pôle emploi

HELIUM 4

La revue mensuelle de la fusion pour les nuls


Version papier


N°1- Nov 2011

   HELIUM-4.png

 

 

 

 

 

 

 

 

N°2 Déc 2011

H2

 

N°3 Jan/Fev 2012

Helium-copie-1.JPG

Recherche

Archives

Culture

/ / /

 

 

La complainte du chômeur  (Daniel FLAUGNATTI)

 

A tous les exclus, les « accidentés de la vie », les chercheurs d’emploi, bref à tous les chômeurs

 

FricheEcoutez la complainte du pauvre chômeur,

La sourde litanie,

La douleur infinie,

Ecoutez, je vous prie, cette longue clameur.

 

L’usine lentement disparaît dans les ronces,

Comme mes souvenirs.

Je n’ai pas d’avenir,

A toutes mes questions, je n’ai pas de réponse,

 

Il me revient parfois, comme une chanson douce,

L’écho de l’atelier,

Les chants des ouvriers

Noyés dans les bières blondes gonflées de mousse.

 

Et de plus loin encor, j’entends souvent mon père,

Me montrer fièrement

Sa médaille d’argent

Pour les vingt cinq années de travail salutaire.

 

La ville résonnait au rythme de l’usine,

Et si parfois la grève

Se terminait en trêve,

Le silence souvent recouvrait les machines.

 

Et lorsque le patron, père et maire de droite,

Bien sûr sans étiquette,

Nous offrait la piquette,

Nous serrions en tremblant sa main blanchâtre et moite.

 

Nous regardions envieux la superbe bâtisse,

Les belles colonnades,

Le ruisseau en cascades,

Le nom en lettres d’or gravés en frontispice.

 

Et puis ils sont venus, en costumes trois pièces,

Traversant le hangar

Sous le regard hagard

De tous les ouvriers ravagés de tristesse.

 

Et depuis quelques mois, nous ne voulions savoir,

Le rythme au ralenti,

Les rumeurs démenties,

Et depuis quelques temps, nous ne voulions pas voir.

 


Je m’en souviens encor, ce faut au mois de juin,

Je reçu au courrier

Un étrange papier

Daté, séché, signé par notre châtelain.

 

Je ne comprenais pas car j’étais en congés,

Prêt à rejoindre enfin

La mer du Cotentin,

A regarder la mer, sur la sable allongé.

 

 

Nous étions quatre-vingt ouvriers sacrifiés,

Le loyer impayé,

Les factures noyées

Dans les publicités du bel hypermarché

 

O bien sur, la prime d’ancienneté versée

Illumina nos yeux.

Ces chiffres merveilleux,

Comme trois chevaux gagnants  dans un très beau tiercé.

 

Ma femme a disparue, et mon enfant avec,

Je n’ai plus de permis,

Où sont tous mes amis,

Brûlés au sel acide de mes sanglots secs ?

 

Et à l’ANPE, on m’a bien expliqué

La flexibilité

Et la mobilité

J’ai fais un beau CV, je me suis appliqué.

 

J’ai écris tous les jours, j’ai écris quatre jours

Aux quatre entreprises,

Elles ne m’ont pas prises,

J’ai crié, j’ai pleuré, appelé au secours.

 

Et puis ils m’ont radié, irradié au soleil,

De ma désespérance.

Et je brûle en souffrance

Des feux  fous de la bouteille aux couleurs vermeilles.

 

Je sombre lentement dans la résignation,

Je vote national,

A la municipale,

Et je lève le sabre et puis le goupillon.

 

Le café a fermé, l’école a disparue,

L’unique épicerie

De mon copain Ali

Reste ouverte tard, la nuit, au coin de ma rue.


Et puis le RSA, les sacs alimentaires,

Les regards de pitié,

Et mon honneur broyé

Obligé de me taire, obligé de me taire…

 

Demain je vais fêter mes cinquante-deux ans,

Un beau feu d’artifice

L’ultime sacrifice

De mon âme blessée, mon corps agonisant.

 

Je ne sais pas encor, de l’arabe ou du maire

Qui sera le coupable.

J’ai posé sur la table

Les armes de mon père ainsi qu’un revolver.

 

J’ai perdu la raison, l’alcool brûle mon corps,

Et la télévision,

Pendant le réveillon

Hurle des chants d’amour dans un joyeux décor.

 

Je ne demandais rien, juste un peu de travail,

Me lever le matin,

Toucher mon bulletin,

Peut-être recevoir, un jour, une médaille.

 

Je ne demandais rien, finir tout simplement

De payer ma maison,

Saison après saison,

Et puis tout doucement, vieillir très lentement.

 

Je ne sais pas écrire, et je sais très peu lire,

A l’école autrefois

Je m’enfuyais parfois

Sous les coups de bâton, blessé à en mourir.

 

Je ne sais plus parler, je bafouille des sons,

Je ne me lave plus,

Ma tête chevelue

Ressemble étrangement aux pics d’un hérisson.

 

Je n’ai plus de désir, la mort hante mon corps,

Comme un cancer caché

Et qui soudain craché,

Explose par la bouche en un rouge haut-le-corps.

 

Dites-moi, vous lecteur, tout ce que je dois faire ?

Donnez-moi s’il vous plaît

De quoi panser ma plaie,

De quoi recommencer, comme avant, comme hier.


Et je ne comprends rien à la télévision,

La mondialisation,

Et les reconversions

Et les grands bienfaits de la privatisation.

 

J’étais bien, vous saviez, dans mon aliénation,

Il faut bien travailler,

Et j’étais le premier

A entrer dans l’usine avec admiration.

 

Ils parlent de contrat, contrat nouvel embauche,

Je ne demande rien,

Qu’un poste de gardien

Un simple CDE, contrat dernière embauche.

 

L’usine lentement disparaît dans les ronces,

Comme mes souvenirs.

Je n’ai plus d’avenir.

A toutes mes questions, je n’ai plus de réponse,

 

Daniel FLAUGNATTI,  syndicaliste SNU, Agence Vernouillet,  Reims

 

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

 

Stéphanie HILAIRE

 

orchidee2 Paul,

Pôle Emploi

Pôle existe, Paul résiste

Il fusionne, se questionne,

Paul rechigne et Paul s’acharne

Pour ses clients, pour le service au public

Paul s’essouffle,

Son portefeuille grossit tandis que son envie s’amoindrit

Paul soupire, Pôle empire

La situation est difficile, la pression est forte

Alors Paul s’énerve, Paul se bat

Pôle se met en grève mais

Paul ne baisse pas les bras

Pour les demandeurs qu’il suit par ce que c’est un professionnel

Paul y croit, Paul s’accroche

Paul se forme, Paul s’informe

Pôle se mixe

Paul apprend

Paul se surprend à parler d‘argent

Et Paul recommence, il s’adapte

Dans ce Pôle qui se construit pas à pas

Pôle emploi

 

 

 

 

 

 

 

 

Le lai de la vieille précaire (Anne Onima)

 

 

 

Le conseiller de Pôle emploi la regardait arriver, un bienveillant sourire aux lèvres.

Elle était gris souris, des cheveux au tailleur strict et masquillage précaire assorti.

 

 

Serrant sur son cœur son dossier d’inscription, elle le salua d’une petite voix

Et lui tendit sa convocation

Raymond Sophie, lut-il, asseyez-vous, je suis Paul Sergent, votre conseiller  référent.

Gênée par cette inversion administrative, qui dit le nom avant le prénom

Elle avait rectifié « Sophie Raymond », presque involontairement

Négligeant l’interruption, il consultait sur l’écran son dossier, et sans la regarder

Tirait le bilan de ce qu’il lisait.

 

 

« Rédiger un CV », « trouver des offres et y répondre », « rédiger une lettre de réponse »,

Et encore « cibler vos entreprises », « vous familiariser avec les tests de recrutement »….

Cest une carte de fidélité, qu’il faut vous remettre ! Vous les avez tous faits, nos ateliers !

Resterait bien « communiquer par son image », mais celui-là, je vous l’épargnerai…

Unissons nos efforts, faisons le point et dites moi ce qui ne va pas !

Tout à trac, elle souffla  « Qui voudrait d’une vieille chose comme moi ? »

Elle avait de grands yeux pleins de larmes. Il s’étonna de les trouver beaux.

Une défaitiste ! Ah, non ! Allons, allons, Madame Raymond ! Reprenez-vous !

Regardez cette offre, ça ne vous plairait pas de travailler pour nous ? Un CDD pour             commencer….

 

 

Elle fut surprise. J’étais hôtesse standardiste, je n’ai jamais travaillé sur une plateforme.

Si ce n’est que cela, ne vous inquiétez pas regardez bien : « débutants acceptés »

Toujours joyeusement, il composa un numéro de téléphone. Il avait mis le haut-parleur.

 

Une candidate  formidable pour ta plateforme, Jean-Louis ! Je t’ai envoyé son CV !

Non mon grand ! Ça ne va pas ! Je veux une équipe jeune, pas une maison de retraite !

 

Prestement, mais trop tard Paul Sergent avait coupé le haut-parleur.

Il était tout rouge. Confus. C’est un malentendu…  Elle était blanche, tétanisée.

Le jour suivant, il la rappelait « J’ai du nouveau pour vous, un contrat d’avenir ! »

La voix de Sophie Raymond tremblait d’émotion. A son âge, on lui offrait l’avenir…

Elle eut un poste sur la plateforme du 39-49, loin de chez elle, elle était secrétaire, mais

Une fois ou deux, pour dépanner, elle prit les appels, sa voix apaisait les plus impatients.

Reconnaissant ses talents, on lui demanda de le faire de plus en plus souvent. Sans formation.

 

Désormais, elle prenait les appels tous les jours. Dur. Le soir elle buvait un petit coup.

 

Elle entendit, lors d’un pot de départ, son chef, Jean-Louis, murmurer « épave » à sa vue.

Pour ses petits collègues en CDD, elle envoyait chaque matin un courriel sur fond rose.

« A tous, GD  Chamalow, kikenveu ? »  ou encore « Or J 2 frêz tagada a la poz ! »

Vint la fin du contrat d’avenir. Elle retourna voir Paul Sergent. Qui la reçut joyeusement.

Et un Contrat Unique d’Insertion sur la plateforme du 39-95 ? Ça ne serait pas bien ?

Sur les écrans du 39-49, le matin suivant parut, rouge sang, le dernier message de Sophie.

 

 

Partager cette page
Repost0