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La vie de pôle emploi ou la fusion racontée par deux agents anpe et assedic.

L'efficacité des organismes privés de placement (OPP) en question.

 

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Des chômeurs livrés au privé

 

Politis  5 avril 2012

 

  L’efficacité des organismes privés de placement des demandeurs d’emploi est de plus en plus contestée. À Pôle emploi, face à cela, on tente de maintenir un suivi sérieux des dossiers. Témoignages.

 

  «L'accueil y est chaleureux. Les locaux sont colorés. Café ou thé ? L'angoisse d'être chômeur s'en va. Foutaises ! La rencontre avec le salarié, au sourire hypocrite malgré lui, te rappelle ta situation précaire. Son discours débité rapidement te laisse sans voix.

J'ai mal vécu cet accompagnement », témoigne Christophe (1), 40 ans, serveur dans le restaurant d'un hôtel, orienté par Pôle emploi dans un organisme privé de placement de chômeurs en Île-de-France. Le résultat est souvent « désastreux pour le privé comme pour le public », ajoute Sylvette Uzan-Chomat, membre du bureau national du SNU-FSU et conseillère à Pôle emploi. Avec le collectif Autres Chiffres du chômage (ACDC), cette syndicaliste a dressé un bilan des organismes privés de placement de chômeurs (2), qui révèle une « efficacité moindre comparée au service public de l'emploi ».

Depuis 2008, à la suite de la fusion entre l'ANPE et les Assedic, Pôle emploi « a vite été débordé », explique Sylvette Uzan-Chomat. Puis la crise économique et sociale s'est installée, le chiffre du chômage a gonflé, jusqu'à atteindre 5 millions de demandeurs d'emploi. La « solution miracle » trouvée par le gouvernement a été de sous-traiter avec le privé pour soulager Pôle emploi, ce que déplore la syndicaliste du SNU, qui y voit un désengagement de l'État au profit d'une logique libérale du placement des chômeurs. Ainsi, de 2009 à 2011, plus de 350 000 chômeurs ont eu recours à des organismes privés, tels qu'Ingeus ou Adecco, indique la note du collectif ACDC.

« Je me suis senti trahi par Pôle emploi. Cela faisait trois ans que j'y allais. Un jour, j'ai reçu une convocation qui m'expliquait que Pôle emploi avait donné mon dossier à un organisme privé. Dorénavant, je devais traiter avec lui », raconte Christophe. En réalité, selon Sylvette Uzan-Chomat, c'est une collaboration forcée », résultant des pressions subies par les salariés de Pôle emploi pour atteindre des « quotas ».

 « On passe du temps avec ces personnes. On entre dans leur vie privée. C'est difficile d'abandonner des dossiers. Je peux comprendre leur frustration », se plaint Sonia, salariée de Pôle emploi à Champigny-sur-Marne.

Les opérateurs privés de placement de chômeurs font du chiffre. Les organismes privés, vus comme « des machines à fric », travaillent dans une logique de marché, explique Sylvette Uzan-Chomat. Ils placent leurs chômeurs en CDD car c'est plus facile. Ils privilégient les plus flexibles, jeunes, femmes, diplômés... « Ces organismes procèdent à un écrémage des demandeurs d'emploi puisque leurs rémunérations, versées par Pôle emploi, sont partiellement indexées sur leurs résultats en matière de retour à l'emploi », craint la syndicaliste.

Le secteur privé reçoit environ 2 000 euros par client ayant retrouvé un emploi dans un délai de 3 à 6 mois. Ce qui explique que les retours à l'emploi en CDD sont plus nombreux dans le privé (35 %) que dans le public (33 %), précise la note du collectif ACDC. « On ne me propose que des CDD. Je ne peux pas me projeter dans l'avenir. À chaque fin de contrat, je reviens à la case départ. C'est infernal », intervient Patrick, étudiant en histoire, placé dans un organisme privé.

Toujours pour Sylvette UzanChomat, « les conseillers du privé sont en CDD et sans grande expérience. Ils exercent un travail pénible dû à un turn-over incessant ». Or, selon le rapport européen sur les politiques publiques de l'emploi (3), « le succès de l'accompagnement tient à la pratique du conseiller, c'est-à-dire à sa bonne connaissance du bassin d'emploi local ; à sa capacité à mobiliser des aides utiles pour le chômeur ».

« Une manière de faire que tente de préserver Pôle emploi », précise Joëlle Moreau, responsable d'Agir ensemble contre le chômage (AC !) en Gironde.

« À Pôle emploi, les salariés sont en CDI et ont une formation. Ils connaissent bien les entreprises locales », ajoute cette militante. Le service public de l'emploi joue, malgré le manque de moyens, la carte de la stabilité professionnelle face au privé qui précarise. « Il est fondamental d'appliquer un suivi social au fil de l'évolution de carrière du chômeur. », précise Sylvette Uzan-Chomat. Tiffany Herauto, jeune mère de famille qui cherche une formation de secrétaire depuis trois mois à Pôle emploi, confirme :

« Une conseillère me suit depuis le début. En un mois, elle m'a proposé trois offres d'emploi. Je m'entretiens avec elle au téléphone ou sur place. En revanche, il faut toujours répondre présent, au risque d'être radié de Pôle emploi. »

Le secteur privé est donc pointé du doigt pour ses résultats médiocres. Pour autant, Pôle emploi n'est pas le paradis, loin de là, n'arrivant pas à faire face à la « souffrance financière et sociale extrême des chômeurs, causée par une politique d'austérité qui détériore également le service public en général ».


(1) Les prénoms des personnes citées ont été modifiés.

(2) Note n° 9 du collectif ACDC, février 2012.

(3) Rapport d'information n° 4098, déposé au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques : performances comparées des politiques sociales en Europe.

 

Sarah Sudre

 

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O
"Les opérateurs privés de placement de chômeurs font du chiffre. Les organismes privés, vus comme « des machines à fric », travaillent dans une logique de marché, explique Sylvette Uzan-Chomat. Ils<br /> placent leurs chômeurs en CDD car c'est plus facile. Ils privilégient les plus flexibles, jeunes, femmes, diplômés... « Ces organismes procèdent à un écrémage des demandeurs d'emploi puisque leurs<br /> rémunérations, versées par Pôle emploi, sont partiellement indexées sur leurs résultats en matière de retour à l'emploi », craint la syndicaliste."<br /> <br /> à mourrir de rire (jaune) sachant que les DE les plus compliqués se retrouvent sur les prestas !<br /> <br /> il serait utile que certains conseillers pole emploi se bougent au lieu de critiquer les opp et de se plaindre de leur charge de travail et sortent voir la réalité :<br /> <br /> 1. du marché du travail (sur la charge de travail à PE par rapport au privé)<br /> 2. des OPP.<br /> <br /> Ayant bossé plus de 2 ans chez divers OPP (en CDD) puis en 2011 à pole emploi (en CDD, tiens donc !) je suis consterné à chaque fois que je vois des jugements à l'emporte pièce dans les<br /> commentaires des articles de ce blog que j'apprécie.<br /> <br /> Les OPP sont plus ou moins bons, comme les agences de PE. Certains ont des valeurs, d'autres veulent faire un maximum de pognon (ceux la s'en vont vu les nouveaux marchés). Mais le plus rigolo dans<br /> la critique formulée à l'encontre des OPP et des moyens ce sont justement les nouveau marchés edictés par PE.<br /> Un exemple : objectif emploi, accompagnement 1 fois/semaine sur 3 mois. 1 absence = sortie/abandon. 3 mois pleins = 40% du paiement, une absence, même au dernier rendez vous = 0 paiement soit 3<br /> mois de travail gratuit pour PE !!<br /> <br /> Et vous vous étonnez ensuite des conditions des OPP :<br /> - pas de locaux ou au rabais<br /> - pas de matériel ou obsolètes<br /> - des portefeuilles surchargés pour être rentable qui rapportés à ceux de PE sont bien plus lourds ! théoriquement 50 dossier max donc 50 rdv/ semaine, dans la réalité 90 à 100 / semaine, sans<br /> parler de la prospection entreprise. Perso à PE je faisait des semaines de 40 h/ 45h max avec un portefeuil de 120. En OPP, pour les pires, semaine de 50 à 60h pour un salaire de 1700 brut (bien<br /> sur sans autres avantages).<br /> <br /> Pour avoir vu les deux systèmes, leur dérives respectives (placement à l'arrache pour les OPP, radiations - orientation des DE de + de 50 ans sur les opp), franchement c'est kif kif bourico !!<br /> Bref, le demandeur d'emploi reste la victime de ce système (j'exclue de ma reflexion la petite minorité de DE qui ne sont pas volontaire pour bosser).<br /> Si au lieu de dispatcher on mettais les moyens à PE avec un accompagnement renforcé interne possible sur demande du conseiller ou du DE (ça couterais peut être pas moins cher qu'un OPP sur le long<br /> terme, mais bon) ce serait à mon avis bien plus judicieux.
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F
pas vu bop de grands soirs, plutôt que des jours, plus ou moins blêmes (c'est aussi comme tu le sens...).
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C
les grands soirs individuels évoqués à juste titre ci-dessus sont déjà si avancés que c'est celà présiémment qui nous protège du grand soir collectif !
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C
Que doivent faire les chômeurs ? Les chômeurs, comme les agents du pôle et les autres, doivent faire la révolution parce que c'est nécessaire. Et c'est pas le grand soir pour plus tard, c'est déjà<br /> là au quotidien, si on veut bien s'y coller au lieu d'attendre...<br /> Et bien sûr ça n'a rien à voir avec le fait de mettre en place toute sorte de dispositions pour les contraindre à faire ce qu'ils doivent (emploi, emploi) comme le fait cette société.
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L
Manu, et si au lieu de se demander ce que doivent faire les chômeurs, ils faisaient ce qu'ils jugent utile et intéressant, comme c'est déjà en (petite) partie le cas, ce serait un drame ? Mais<br /> alors un drame pour qui ? Pas pour les salariés qui passent au chômage en tout cas. Je sais pas ce que doivent faire les chômeurs, je constate qu'ils font des choses, et pourraient en faire plus si<br /> la vie était pas colonisée par le management ( y compris hors emploi), organisée pour nous mettre tous en concurrence (ça a rien de naturel...) et personnellement ce temps disponible je sais quoi<br /> en faire (quitte à me poser des questions sur "l'utilité de la vie, comme tout le monde). Et moi aussi ça m'arrive de chercher du taff, simplement je vois pas pourquoi ma vie, la vie serait centrée<br /> sur ça (même si ça m'encombre le temps et m'inquiète bien à l'occasion).<br /> <br /> Actuellement on continue à parler de "chômeurs (quand c'est pas "candidat" ou parasite fainéant) alors que la frontière entre le temps de travail et le temps de vie est, là aussi, tombée, et que la<br /> frontière chômage/emploi est des plus poreuses. Près de 40% des indemnisés Pôle sont des "chômeurs en activité à temps réduit", qui dépendent à la fois de salaire et d'alloc' ; un tiers des RSAste<br /> occupe un ou des emplois (y compris des CDI de 6h hebdo, etc.). De plus l'emploi n'est qu'une partie du travail, celle dont le temps est mesurable.<br /> Les emplois actuels visent peu à satisfaire les besoins, en fait, à ce aune là, le travail serait infini.<br /> Ceux qui organisent la course à l'emploi (rare et dégradé) nous préparent quelque chose comme le "modèle allemand". Là-bas, le taux de pauvreté est à 20%, et mieux encore, l'espérance de vie est en<br /> train de diminuer ! C'est le résultat des réforme anti chômeurs (plans Hartz) qui ont été adopté -il faut le souligner en cette période électorale où nous sommes tous plus ou moins pris par un bien<br /> logique 'tout sauf Sarkozy"- par une coalition "rouge/verte" (et pas par Merkel, dont je ne pense aucun bien par ailleurs, je le dis pour ceux qui vont jouer les malcomprenants). C'est un enjeu<br /> majeur de rompre avec l'idéologie du travail car c'est la première arme des exploiteurs. C'est comme ça par exemple que l'on nous fait "accepter" que des pays toujours plus riches grâce à notre<br /> travail recule l'âge du droit à pension de retraite.<br /> <br /> L'alternative n'est pas entre se laisser gouverner (par la société de concurrence et ses tenants) ou/et échafauder des projets gouvernementaux ( sur ce que doivent faire les chômeurs, par exemple).
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