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Laureline Dupont - Marianne | Mercredi 16 Septembre 2009
La vague de suicides qui touche France Télécom est présentée par la majorité des salariés comme le résultat tragique d'un changement de statut raté. Le Pôle emploi s'apprête à son tour à modifier les statuts de ses deux organismes fondateurs. Là encore sans se soucier du bien-être de ses salariés. Risqué.
Pôle emploi c'est cette institution merveilleuse lancée le 1er janvier 2009 à grands renforts de com' et dont le logo austère a coûté un bras au contribuable (500 000 euros). Pôle emploi c'est aussi, accessoirement, la fusion de deux organismes : l'ANPE, service public, et les Assédic, entreprise privée. Aujourd'hui, dans les faits et dans l'espace, les deux structures sont encore distinctes. Beaucoup conservent leurs locaux d'origine et la fusion n'est qu'un concept flou, davantage source de contraintes que de satisfactions. Les médias ont beaucoup critiqué la nouvelle administration, déplorant les obstacles que celle-ci ajoutait sur le parcours déjà semé d'embûches des demandeurs d'emploi. En revanche, plus rares ont été les informations diffusées sur l'avenir professionnel des agents de cette hydre de Lerne de l'emploi. Et pourtant...
Deux métiers en une journée
D'ici la fin de l'année 2009, les ex-ANPE et ex-Assédic devraient avoir fusionné géographiquement sur un seul et unique site. C'est déjà le cas dans quelques villes. Dans l'Essonne, Longjumeau héberge le premier « vrai » Pôle emploi du département. A l'entrée, deux guichets et deux hôtesses. L'une issue des Assédic, l'autre issue de l'ANPE. Mais « la situation ne va pas durer », assure la directrice. Après plusieurs stages intensifs, elles seront parfaitement polyvalentes. Une polyvalence qui certes facilitera les démarches du demandeur d'emploi, mais qui pourrait poser quelques légers problèmes aux agents de Pôle emploi.
Car le personnel d'accueil n'est pas le seul concerné. C'est bien l'ensemble des employés qui devra, d'ici peu, endosser un rôle qui n'était pas celui choisi au départ. Après des sessions de formation de 3 à 5 jours, les super-agents de Pôle emploi seront capables d'assumer leur ancienne et leur nouvelle activité. Un salarié de l'ANPE sera en mesure à la fois de trouver un emploi et de verser des indemnités, et un salarié des Assédic pourra calculer des droits tout en prospectant des offres d'emploi auprès des entreprises. Elle est pas belle la vie ? Vous aviez un travail, Pôle emploi vous en donne deux ! Evidemment, du côté desdits salariés, on a du mal à le digérer. « Je suis rentrée à l'ANPE pour faire du relationnel, aider les gens à trouver un boulot, à se reconvertir. Calculer des droits et faire le flic, ça ne m'intéresse pas ! », explique ainsi une employée de l'ancienne ANPE des Ulis (Essonne).
Outre l'envie, ou plutôt l'absence d'envie d'exercer un métier imposé, se pose aussi le problème de la charge de travail. Déjà débordés depuis la mise en place du Service mensuel personnalisé (SMP), les agents ANPE ont du mal à envisager l'organisation de leur journée avec une charge de travail doublée. Nombreux sont ceux qui affirment déja manquer de temps pour la prospection auprès des entreprises. Comment accomplir dans ces conditions une tâche supplémentaire ? Le stress, la surcharge de travail semblent se profiler à l'horizon de la nouvelle institution. Il aurait peut-être été judicieux de la part de Xavier Darcos de convier les directeurs des Pôles emploi à sa petite réunion matinale avec Didier Lombard , PDG de France Telecom...
Deux métiers pour le prix d'un
Petit détail que Laurent Wauquiez semble balayer d'un revers de main : le statut du nouvel organisme bâtard. L'ANPE était un service public, les Assédic appartenaient au privé. Limpide. Les employés de l'ANPE sont des agents contractuels de l'Etat, les employés des Assédic sont des salariés privés. CQFD. Mais les employés de Pôle emploi, que sont-ils ? C'est là que tout se complique. La fusion implique la refonte des statuts des deux organismes. Or cette modification effraie inéluctablement les uns et les autres. Les uns craignent une réduction de leurs droits, les autres tremblent à l'idée de voir leurs salaires diminuer. Toute ressemblance avec une situation existante ne serait que pure coïncidence. Pourtant, la situation à Pôle emploi rappelle cruellement celle de France Télécom. L'effectif de l'opérateur de télécommunications est lui aussi constitué de salariés privés et de fonctionnaires. Ces derniers ont souvent le sentiment de faire les frais du passage du public au privé, un sentiment qui aurait fini par pousser certains au suicide. Pôle emploi, avec sa fusion kafkaïenne, s'apprête pourtant à franchir le même Rubicon. Et aucun de ses agents ne semble avoir envie de piquer une petite tête dans les eaux troubles de cet organisme sui generis.
Une convention collective est actuellement en cours d'élaboration. Elle devrait régler la question de l'homogénéisation des salaires et des droits. Mais rien n'est prévu pour les agents qui n'auraient pas envie de changer de métier.
Une convention collective est actuellement en cours d'élaboration. Elle devrait régler la question de l'homogénéisation des salaires et des droits. Mais rien n'est prévu pour les agents qui n'auraient pas envie de changer de métier.