La vie de pôle emploi ou la fusion racontée par deux agents anpe et assedic.
Jean Bassères aux Echos: "Il va falloir réduire les frais de fonctionnement et maîtriser la masse salariale"
Les Echos 6 février 2012
Jean Bassères, jusque-là chef de l'inspection des Finances à Bercy, a été nommé le 19 décembre dernier directeur général de Pôle emploi. Pour la première fois depuis sa prise de fonctions, il s'exprime sur ses projets pour l'opérateur public, confronté depuis l'été à la reprise de la progression du chômage, qui devrait se poursuivre durant les prochains mois.
Depuis mon arrivée, je fais un déplacement par semaine et j'ai pu constater que la fusion est largement derrière nous. Les nouvelles organisations ont été mises en place, le cadre social a été négocié. Le chemin accompli est très impressionnant. Désormais, nous devons nous projeter vers l'avenir. Conscient de sa forte responsabilité sociale, Pôle emploi a besoin d'un nouveau souffle. La convention tripartite signée le mois dernier avec l'Etat et l'Unedic, qui nous donne des orientations claires et innovantes, nous y invite. Nous allons la décliner dans un plan stratégique que nous allons élaborer en adoptant une démarche participative et qui sera soumis dès le mois de mai au Conseil d'administration. Ce projet sera aussi l'occasion de présenter un nouveau contrat social au personnel, dont je mesure chaque jour la mobilisation et l'engagement.
La direction générale va d'abord travailler avec les directeurs régionaux. Puis en mars, nous allons constituer des groupes de travail dans les régions et consulter tous les agents de Pôle emploi sur les questions qui nous paraîtront essentielles.
La personnalisation, qui est aussi prévue pour les services aux entreprises, repose sur un constat de bon sens : tout le monde n'a pas les mêmes besoins. Nous lançons le chantier avec pour objectif d'être rapidement opérationnels. Le premier entretien de diagnostic, lors de l'inscription, doit être une étape déterminante. Il faut donner assez de marges de manoeuvre au conseiller pour qu'il puisse, à partir de cet entretien, adapter le rythme, la fréquence et les modalités de l'accompagnement, en respectant l'obligation de deux entretiens physiques au quatrième et au neuvième mois. Au-delà, quelle place doivent occuper les services dématérialisés ? Faut-il mettre en oeuvre des approches plus collective ? Devons-nous confier l'accompagnement renforcé à des équipes spécialisées ? Autant de questions qui méritent d'être posées. Mais il est clair que la personnalisation du service implique que l'on fournisse à chaque conseiller des outils d'aide à la décision performants, et non une grille nationale de segmentation des demandeurs d'emploi à l'inscription comme cela a existé.
Cet entretien dure une cinquantaine de minutes. Dans beaucoup de cas, il permet de mesurer l'éloignement de l'emploi. En revanche, la personnalisation nous invite à sortir progressivement de la logique trop mécanique du suivi mensuel personnalisé.
D'abord, il faut rappeler que nous devons veiller avant tout à indemniser rapidement les demandeurs d'emploi. C'est essentiel pour qu'ils recherchent un emploi dans de bonnes conditions. Aujourd'hui, le délai moyen de traitement d'un dossier de demande d'indemnisation lorsqu'il est complet est de quatre jours, ce qui est satisfaisant. Naturellement, le renfort de 1.000 CDD d'un an est bienvenu pour mettre en oeuvre le plan ambitieux en faveur des chômeurs de très longue durée annoncé lors du sommet du 18 janvier. L'objectif est que ces 1.000 embauches soient toutes réalisées d'ici au 1 er mars. Elles s'ajouteront au redéploiement de 2.000 postes en équivalents temps plein vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans les trois ans, inscrit dans la convention tripartite.
Nous allons accroître le temps consacré au suivi et à l'accompagnement, grâce à une simplification des procédures et à un allégement des tâches administratives. Toutefois, l'efficacité d'un opérateur de service public ne se mesure pas à l'aune des effectifs dont il dispose.
Quand on parle de l'efficacité de l'Education nationale, le débat ne se résume plus à la taille des classes. C'est la même chose pour Pôle emploi. Il faut dépasser la notion de taille de portefeuille. J'aimerais que nous soyons évalués sur nos résultats et non sur nos moyens. Il faut que nous mettions vite en place un baromètre d'indicateurs de taux de retour à l'emploi et de qualité de service que nous publierons régulièrement. Pôle emploi souffre d'une mauvaise image relayée par les médias, alors que nos enquêtes de satisfaction sont plutôt bonnes.
Nous allons rencontrer les 293.500 personnes au chômage sans discontinuer depuis deux ans, DOM compris, d'ici au mois de juin. Une solution sera proposée à chacune d'elles pour favoriser le retour à l'emploi, grâce en particulier à un effort important de formation. Sur les 150 millions d'euros que l'Etat va apporter, 90 millions seront ciblés sur ce public (50 millions pour la formation et l'accompagnement renforcé et 40 millions pour des formations aux compétences clefs) ; 10 millions financeront la poursuite de l'allocation de fin de formation pour les chômeurs ayant épuisé leurs droits et 50 millions viendront renforcer le budget formation de Pôle emploi.
Même si tous les demandeurs d'emploi n'ont pas besoin d'une formation, on ne peut que souhaiter que tous les acteurs accentuent leurs efforts. Le volume des formations financées par Pôle emploi a progressé de 50 % entre 2009 et 2011. Et en 2012, nous souhaitons participer activement au développement des préparations opérationnelles à l'emploi (POE) en renforçant notre collaboration avec les OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés). L'objectif est que les conseillers -qui prescrivent l'essentiel des formations suivies par les chômeurs -accèdent facilement aux programmes financés par les régions ou les OPCA. D'où l'enjeu de la constitution d'une base de données nationale des formations.
Cet objectif est légitime s'agissant d'un financement public par les cotisations de l'assurance-chômage et l'impôt. Il va falloir, pour y arriver, réduire les frais de fonctionnement -une baisse de 8 % est prévue dans le budget de 2012 -et maîtriser la masse salariale.